Lead and disrupt

Charles A. O’Reilly III et Michael L. Tushman, éminents professeurs à Stanford, partent du constat que les entreprises disparaissent de plus en plus rapidement, victimes d’innovations qu’elles n’ont pas vu venir. Mais comment des entreprises averties et organisées dans une société où l’information est accessible peuvent-elles en arriver là ? Dans le secteur de la photo, pourquoi Kodak a échoué là où FUJI s’en est sorti ? Pourquoi IBM a réussi sa transformation, d’une activité de vente d’ordinateurs à celle d’entreprise de service ? Ce livre s’efforce d’apporter des réponses et est riche en enseignements pour les dirigeants.

 

Les auteurs font 2 constats importants :

 

Le premier est que certaines innovations et leurs effets ne sont pas toutes visibles au début. Les auteurs distinguent 3 types d’innovation :

  • L’innovation incrémentale la plus courante, où les produits ou services sont réalisés plus vite, moins chers ou mieux.
  • L’innovation discontinue, qui résulte d’un bond technologique qui requiert de nouvelles compétences.
  • L’innovation architecturale, la plus dangereuse, car elle s’appuie sur des améliorations qui semblent mineures par le biais de technologies existantes et qui optimisent de façon drastique la performance de produits ou services existants. Les nouveaux entrants porteurs de ces technologies s’adressent souvent à des segments de marché à faible marge négligés par les leaders. Elles s’étendent ensuite aux segments principaux au fur et à mesure de la maturité du marché sans avoir été perçues comme une menace à leurs débuts. C’est la disruption au sens pur du terme qui crée un nouveau marché par l’introduction de produits ou services sur un nouveau segment de clients. Ce fut le cas du E-commerce, du Cloud, des appareils photos numériques ou de la thérapie génique.

 

Le second est que, victime de leur succès et de leur mode de fonctionnement, les entreprises « traditionnelles » ne sont pas organisées pour opérer des virages serrés. Elles s’appuient sur des modèles éprouvés avec des technologies bien connues, une compétition forte et des organisations axées sur la productivité, la maîtrise des coûts et l’innovation incrémentale. Le personnel est choisi sur sa capacité à appliquer des règles, à respecter des métriques où l’incertitude doit être la plus faible possible.

A l’opposé, les entreprises innovantes cherchent le volume, la réactivité et l’innovation rapide. Les collaborateurs sont choisis pour leur capacité d’adaptation et leur réactivité. La standardisation et la mise sous contrôle des processus peuvent être contre-productives dans ce cas. Il faut savoir prendre des risques et explorer.

 

Faut-il filialiser systématiquement les activités exploratoires comme le suggèrent certaines théories ? Finalement, les 2 auteurs nous recommandent d’être ambidextre : savoir exploiter et explorer, et sur la base de l’expérience d’entreprises qui réussissent à perdurer comme IBM, dégagent 4 principes directeurs pour y arriver :

 

  1. Une stratégie qui exprime la nécessité d’explorer et qui apporte une organisation et des moyens spécifiques à l’unité en charge de l’exploration.
  2. L’engagement du senior Management pour cantonner (sanctuariser) et protéger la structure d’innovation.
  3. Une nouvelle entité qui développe son propre modèle et les interfaces lui permettant de profiter sans frein interne des moyens de l’entité mature.
  4. Une vision, des valeurs et une culture transverse aux activités qui montrent que tout le monde est dans la même équipe.
ºΟº

 

Les notes de lecture de WHY Consulting

 

Ce livre montre bien à travers des chiffres et des exemples que ce phénomène de diminution de la durée de vie des entreprises s’est réellement accéléré avec le développement des technologies : une entreprise du S&P 500 y restait 90 ans en 1935 et plus que 15 ans en 2005. Il est frappant de visiter à l’occasion d’un séjour en Californie le Computer History Museum de San Jose où l’on retrouve toutes les entreprises ou innovations qui ont eu des succès fulgurants et qui ont disparu tout aussi rapidement (Palm Pilot, le Minitel (!), Texas Instrument, etc). Les recommandations apportées par ce livre peuvent aider à une vraie réflexion stratégique sur le sujet de la culture, du type de management et de la gouvernance.

 

Deuxièmement, et de manière encore plus importante à nos yeux d’experts, ce livre insiste fortement sur la nécessité de rester finement à l’écoute de ses clients : le danger ne vient pas des innovations visibles dans les journaux mais bien d’évolutions détectables au travers des signaux faibles de l’écoute client (exemple : être mis en concurrence par un client fidèle). Ce n’est donc pas dans un NPS que l’on lit l’avenir mais bien dans une démarche très qualitative (par exemple, l’exploitation de verbatims) qui met sous contrôle l’expérience client sur tout le cycle de vente et dans la durée.

 

Enfin, ce livre souligne très pertinemment que mettre en place une organisation et des processus ne suffit pas à générer le changement. Un exemple intéressant donné dans ce livre est le choix stratégique de SAP de s’intéresser au marché des PME en 2000 et qui fut un échec. La stratégie semblait bonne avec un produit vendu en SaaS, mais la culture de l’entreprise était trop loin de l’esprit d’une start-up. Il n’y a pas de vrai changement sans changement de culture et pour réussir, il faut une capacité d’exécution plus complète que celle consistant à proposer de simples changements de procédures.