Changement prescrit ou changement émergent ?

Le changement, comme Monsieur Jourdain, nous sommes tous appelés à un titre ou à un autre à le mettre en œuvre. En tant que consultant ou en tant que manager, nous sommes même souvent amenés à chercher à le faire advenir et à l’accompagner pour qu’il aboutisse dans la durée.  Il n’est alors pas inutile de chercher à prendre un peu de recul et de se demander non seulement quoi et pourquoi changer, mais aussi «comment ?».

 

Le simple fait de se poser sérieusement la question de la méthode est déjà bon signe et une abondante littérature – parfois un peu ésotérique – existe sur le sujet. Il y a cependant un moyen plus agréable  de se poser les bonnes questions : assister au petit déjeuner de WHY Consulting « Accompagner les transformations, mobiliser les acteurs du changement au service d’une ambition de croissance », organisé au dernier trimestre 2016.
Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’écouter Guillaume Scribot, Directeur chez WHY Consulting et Sébastien Guyot, Directeur des ventes Entreprises et Agences, d’Air France KLM, il a beaucoup été question de l’opposition entre le changement « prescrit » et le changement « émergent ».

 

Le changement « prescrit » est la méthode la plus usuelle de conduite du changement, au sens justement où elle cherche à le conduire, à le piloter.

 

On est alors dans une démarche analytique, on cherche à comprendre précisément la situation initiale (phase de diagnostic) puis à définir le plus finement possible la situation cible, avant de dessiner la trajectoire de changement conduisant de l’une à l’autre.
La légitimité de cette démarche repose fortement sur l’expertise de ceux (consultants ou managers) qui la conduisent. On est typique

ment dans un projet de re-engineering ou de lancement de produit avec un planning, des étapes, une phase de test, puis la fameuse phase de « déploiement ». C’est à ce moment – seulement – que les premiers effets du changement sont perceptibles. C’est aussi lors de cette phase de déploiement ou de mise en œuvre que les efforts demandés aux équipes seront les plus importants.

 

Cette logique s’oppose à celle du changement « émergent », conçu  dès le début comme participatif, mobilisant l’intelligence collective.


Cette dimension « bottom-up » permet à chacun ou à chaque équipe de trouver une solution potentiellement différente. Mais la principale caractéristique du changement émergent est d’être surtout tourné vers l’action.  Au service d’une ambition exprimée en termes de résultats (qui ne préjuge pas des modalités), les acteurs opérationnels doivent directement se mettre en mouvement, expérimenter le changement.
La conception et l’exécution sont presque concomitants et l’on pourrait même dire que la conception (au sens conceptualisation et formalisation) est souvent postérieure à la mise en œuvre !

 

Il s’agit alors pour ceux qui accompagnent le changement d’avoir la modestie de laisser s’exprimer les initiatives et de laisser libre cours à la créativité des équipes. Les messages clés sont de développer un état d’esprit positif, focalisé sur les solutions et non sur les problèmes et valorisant les réussites (même partielles, cf. « petits pas »). Dans ce type de démarches, il conviendra de garder un focus opérationnel (on applique tout de suite) et de ne pas craindre la confrontation constructive. La responsabilisation des acteurs chargés de trouver « à leur niveau » des solutions doit aller de pair avec une certaine forme d’acceptation de perte d’uniformité, au moins au début. En contrepartie le changement émergent évite souvent l’écueil de l’enlisement ou du rejet par les équipes : on mobilise tout le monde dès le début. Et les premiers résultats sont immédiats.

 

Comme l’a bien expliqué Guillaume Scribot, il ne faut pas pour autant considérer qu’un type de changement est supérieur à l’autre. Il faut avant tout se demander lequel est le plus adapté au contexte et aux objectifs du management (Urgence ou non ? Volonté de contrôle sur la cible ? Changement incrémental ou rupture forte ? Besoin ou non d’une solution uniforme ?).

 

Le témoignage de Sébastien Guyot qui a suivi, a apporté un précieux éclairage opérationnel à cette distinction. Son message est simple : « Le changement émergent, ça marche ! ».

 

Il nous a indiqué comment ses managers (tous ses managers, 100%, pas un « groupe de travail » ou un « pilote ») ont su se mobiliser pour atteindre d’ambitieux objectifs de changement de leurs pratiques managériales (projet « Boost »). Alors même qu’un projet de CRM est en cours (changement « prescrit » par excellence), une démarche explicitement fondée sur la notion de changement émergent a permis de développer les ventes et de renforcer l’engagement des équipes.

 

Avec  l’appui de WHY Consulting,  Sébastien Guyot a su dans un premier temps profiter d’un séminaire pour mettre en mouvement son organisation et aider ses managers à se projeter « positivement »  dans l’avenir, sans chercher à  anticiper à ce stade comment ils allaient collectivement et individuellement s’engager à progresser et à faire progresser leurs équipes.

Pendant 10 semaines, des séances de coaching animées par Eric Bodin, Directeur Associé de WHY Consulting, ont aidé les managers à mettre en œuvre cet engagement dans un esprit « émergeant » : chacun à son rythme, chacun en suivant ses intuitions ou ses envies, en renforçant ses points forts ou en comblant ses lacunes.

Un second séminaire a permis de confronter ces diverses expériences et de faire émerger les bonnes pratiques afin de construire un nouveau référentiel de management dans lequel elles ont été approfondies et pérennisées.

 

Les échanges avec la salle et le témoignage de notre invité ont donc permis de montrer par l’exemple que l’opposition théorique entre changement prescrit et changement émergent recouvre en fait un véritable continuum. Les deux méthodes sont rarement « pures » et dans les deux cas un accompagnement professionnel est souhaitable. Le management et ceux qui le conseillent doivent doser la part des deux méthodes de travail en fonction des sujets, des urgences et de leurs objectifs.