Digitalisation de la relation client, mythes et réalités

La « digitalisation » semble être devenue le Graal du management performant de l’entreprise. Pas une conférence consacrée aux entreprises sans que ce thème ne soit repris. Des études nous alarment même sur le retard français, plus particulièrement des PME françaises (*). Alors qu’en est-il vraiment ? Quels sont les risques réels à ne pas suivre ce mouvement ? A contrario, quels en sont les chausse-trappes (nombreuses) dans lesquelles certaines entreprises tombent.

 

Pour commencer, il est certain que les technologies de l’information permettent de proposer de nouveaux services aux clients :

 

·        Une disponibilité 7/24 des informations à jour, qu’elles soient générales (accès à des catalogues d’offres), ou spécifiques (suivi du traitement d’un dossier de sinistre par exemple),

 

·        Un accès permanent à des transactions simples (ouvrir un livret A en ligne par exemple),

 

·        Une capacité à agir sans être devant son ordinateur, grâce aux applications smartphone toujours plus nombreuses…

 

Etre le premier à offrir un service de ce type n’est en soi pas une nécessité absolue. Le vrai sujet est que certains de ces services sont de plus en plus considérés comme appartenant à l’offre standard du marché, un peu comme le fait qu’une climatisation fait désormais partie de l’équipement de base d’une voiture, alors qu’il s’agissait d’une option coûteuse autrefois. Donc l’entreprise qui ne peut pas fournir cette offre standard est vouée à rencontrer des difficultés. En BtoB, certains clients ne comprennent pas qu’ils ne puissent pas bénéficier des mêmes services en ligne de la part de leurs fournisseurs professionnels que ceux proposés par leurs fournisseurs personnels.

 

Au-delà de ces services « simples » qu’il faut être de plus en plus capable de fournir, les technologies de l’information permettent de proposer des services innovants de rupture qui peuvent potentiellement bouleverser tous les secteurs d’activité. Citons 2 exemples :

 

Il y a une quinzaine d’année, un groupe hôtelier de taille mondiale a créé un outil en ligne permettant de réserver l’un de ses hôtels, n’importe où dans le monde. C’était louable, mais l’idée n’a pas été poussée suffisamment loin. Quelques années plus tard, la société néerlandaise Booking.com sans posséder aucun hôtel en propre, a proposé un outil de réservation en ligne donnant accès… à quasiment l’ensemble de l’offre mondiale. Les clients ont rapidement délaissé le service de réservation du groupe hôtelier pour lui préférer celui de son nouveau concurrent.

 

Dans le monde du recyclage des déchets industriels, un nouvel acteur se prépare à offrir en ligne une vision de l’ensemble des offres de recyclage du marché et se proposera de conseiller les entreprises sur les meilleures filières du moment pour répondre à leurs besoins spécifiques. Les acteurs traditionnels du recyclage risquent de perdre la relation directe avec leurs clients au profit de ce nouvel intermédiaire, ainsi que de précieux points de marge. Ce risque existe dans tous les secteurs quasiment sans exception. Il s’appelle risque d’ « Ubérisation ».

 

A contrario, la digitalisation de la relation est trop souvent le prétexte à des réductions de coûts, et n’est pas suffisamment appréhendée du point de vue de l’intérêt du client final. Ainsi, quand le client souhaite échanger sur un sujet important pour lui avec un interlocuteur qui va prendre le temps de l’écouter et de le conseiller, il a de plus en plus de mal à le faire. Il est confronté trop souvent à un « mur numérique ». Le monde bancaire, qui a perdu énormément avec la baisse des taux d’intérêts, a trouvé dans la digitalisation de la relation une opportunité pour réduire le nombre d’agences et de conseillers, ces derniers traitant des territoires de plus en plus larges.

 

En résumé, il y a dans la digitalisation de l’économie des enjeux considérables : opportunités de fournir de nouveaux services qui deviennent très vite des standards, possibilité de se repositionner sur son marché afin d’offrir davantage de valeurs. Mais la digitalisation utilisée comme simple outil de productivité peut conduire à des résultats qui vont à l’encontre de ceux espérés, si l’humain ne reste pas présent lors de certains moments clés de la relation client.

 

Serge Rouvière

« Culture client, l’ultime différenciation entre les entreprises » aux éditions Maxima, prix Qualité Performance 2017

 

(*) Rapport Deloitte 2017 sur la digitalisation des entreprises, commandé par Facebook, intitulé « Économie numérique : le digital, une opportunité pour les PME françaises ».