ADV, SAV et consors : les meilleurs alliés des commerciaux sont en aval

La vision « romantique » du commercial isolé, partant bravement rechercher du chiffre d’affaires dans un monde hostile avec pour seul allié son téléphone portable et pour seule occupation de rencontrer des prospects est un cliché qui a la vie dure.

C’est une évidence que l’on finit parfois par oublier mais en B to B la relation avec les clients est généralement continue et itérative. Dans ce cadre, les échanges qui se nouent entre les organisations sont aussi importants et souvent plus riches et plus fréquents que les relations proprement commerciales.

Les bons commerciaux savent en tirer parti et une organisation commerciale efficace doit impérativement en tenir compte. Cette logique de simple bon sens est d’autant plus vitale dans une économie numérique et connectée.

 

La vente est un début, non une fin

 

Une fois la vente conclue ou le contrat renouvelé, quel que soit le produit ou le service, commence ou recommence une phase critique pour le bon achèvement de la transaction. Trois grands types d’intervenants vont succéder au commercial.

 

En premier lieu il faudra finaliser, puis faire vivre dans la durée la dimension administrative et financière de la vente. Quel que soit le nom qu’elle porte et l’étendue de ses prérogatives une fonction « Administration des Ventes » (ADV) est nécessaire. Il s’agira notamment d’organiser les contrats, de veiller à la prise en charge comptable des échanges, mais aussi de régler des questions telles que les assurances, la conformité à telle ou telle norme ou politique d’entreprise etc… Ces tâches « administratives » recèlent un potentiel commercial important et souvent négligé.

 

Outre ces aspects administratifs il faudra organiser physiquement la livraison des produits ou le déroulement du service. Les intervenants des services de type « logistiques », de livraison, de mise en service, voire de formation des utilisateurs sont également des acteurs importants. Qu’il s’agisse de produits banalisés (des toupies de béton à livrer sur un chantier), de produits complexes et sur mesure (un nouveau système de guidage radar pour un aéroport) ou même de services « purs » (un audit comptable) le commercial n’a ni le temps ni les moyens (ni la compétence souvent !) de planifier en détail le déroulement de ce qu’il a vendu. Or c’est évidemment là que la valeur ajoutée pour le client se manifestera… ou non !

 

Enfin, au-delà de la mise en service, il est évident que la qualité du SAV, contractuel ou légal (et même extracontractuel), est un facteur déterminant de confiance des clients, et souvent un différenciateur majeur (en bien ou mal) dans l’univers du B to B. Le potentiel de chiffre d’affaires que représente le service est déjà en tant que tel une raison évidente pour que le commercial s’y intéresse. Par exemple le service représentera plus que le prix d’achat dans le coût total de possession d’un hélicoptère. Passons rapidement sur le fait que les marges y sont meilleures et la concurrence souvent inexistante… il y a d’autres raisons de s’y intéresser.

 

Plus d’intimité, plus de proximité… et plus de chiffre d’affaires !

 

Les fonctions « aval » du commerce sont fondamentales ; leur mauvaise exécution aurait évidemment un impact négatif fort sur la perception de clients chèrement acquis… Au travers de ce « continuum » vente-ADV-logistique-SAV, le commercial doit s’efforcer de veiller à la bonne exécution du contrat et s’assurer en permanence de la satisfaction de ses clients (avec l’aide de WHY Consulting si nécessaire !). Il y a intérêt pour maintenir sa relation et la crédibilité de sa parole. Mais pas seulement.

 

Des relations étroites et suivies avec les acteurs des fonctions ADV, logistiques et SAV ont également un impact direct sur la composante proprement commerciale. Les fonctions aval ont des relations plus opérationnelles et généralement plus fréquentes que les commerciaux avec les clients. Elles sont certainement moins « codifiées » que la relation commercial-acheteur. Cette intimité client naturelle les expose à une richesse d’information dont le commercial n’ose pas rêver. Les contacts noués à l’occasion de la contractualisation, de la livraison ou du SAV apportent au commercial qui sait les mobiliser une vision riche et précise sur la vie du compte : Quels sont les enjeux du moment ? Les décideurs sur le départ ou les futurs promus ? Les projets de développement ?

 

Cela peut aller assez loin. Plus que l’on ne le pense généralement. Par exemple, il est « presque naturel » de demander un organigramme complet des fonctions achat pour un interlocuteur ADV (en prétextant le besoin de situer ses interlocuteurs), d’obtenir un état prévisionnel des commandes ou une cartographie complète des implantations pour un responsable logistique auprès de son alter ego… Ces informations seront confidentielles pour un fournisseur mais ouvertes à un maillon de la supply-chain. Si elles ne sont pas exploitées maladroitement elles permettent au commercial une compréhension bien plus fine de ses clients que les seules informations que lui donnent ses interlocuteurs.

 

Un domaine en particulier est fermé au commercial et assez facilement accessible aux fonctions aval : la place de la concurrence. Il est facile au livreur de déceler (voire de quantifier) la présence de produits concurrents dans un entrepôt ou dans un point de vente… De même il est évident que les fonctions SAV seront naturellement exposées à des remarques sur les qualités comparatives de l’offre des concurrents par rapport à celle du fournisseur. Dans cette veine de pensée il est presque certain que la veille concurrentielle des fonctions aval peut avoir un rôle majeur de détection anticipée de rupture de la relation (« dernière » commande, demandes de quantités en baisse alors que l’activité est soutenue etc…).

 

Enfin et peut-être plus simplement encore, les fonctions aval du commercial peuvent lui amener ce dont il est le plus friand : des leads qualifiés. S’ils sont correctement sensibilisés, il est des situations où l’aval peut « automatiquement » alerter le commercial : ouverture d’une nouvelle destination à l’export, gain d’un marché important, rachat d’un concurrent, insatisfaction concernant une fourniture connexe… Toutes ces situations peuvent conduire à un développement commercial. Qu’il s’agisse de s’y préparer ou de proactivement aller proposer son offre, le commercial ne doit pas perdre ces informations. Par exemple, le projet d’ouverture d’une nouvelle usine ou d’un nouvel établissement peut sembler un sujet anodin pour un logisticien (une modification de tournée de camion) mais représenter un enjeu majeur de chiffre d’affaires.

 

Un enjeu majeur d’organisation et d’efficacité commerciale

 

Si les constats évoqués semblent évidents et sont probablement partagés par une bonne partie des décideurs de l’univers B to B, bien peu en tirent les conséquences opérationnelles et organisationnelles qu’elles supposent.

 

Trois types d’actions sont nécessaires pour maximiser l’efficacité commerciale des fonctions aval en lien avec des forces de vente :

  • Dans un premier temps il est fondamental de dédier des interlocuteurs par client, ou au moins selon une segmentation opérationnelle compatible (par secteur notamment). Deux raisons commerciales poussent à ce choix organisationnel. D’une part les relations régulières entre les équipes des clients, le commercial et les fonctions aval permettront naturellement la confiance et la transparence (quoi de plus irritant qu’un « service client » qui vous redemande à chaque fois les mêmes informations, qu’un livreur qui ignore les consignes d’accès au site, qu’un ADV qui ne maîtrise pas les rabais consentis, etc…). D’autre part la régularité des contacts entre un commercial et « son » ADV ou « sa » logistique est une condition sine qua non d’un fonctionnement fluide.

Il importe donc de résister dans la mesure du possible à une approche exclusivement centrée sur la réduction des coûts qui voudrait mutualiser sur l’ensemble du portefeuille les fonctions non commerciales.

 

  • Une fois ce prérequis mis en place, il faudra acter le lien fonctionnel entre les forces commerciales est les interlocuteurs « aval » des comptes, et savoir le faire vivre. Sans s’immiscer dans le management opérationnel des équipes, il s’agira d’organiser des canaux d’échanges portant sur le client, ses attentes, ses besoins, etc… Le commercial pourra beaucoup apporter en indiquant les objectifs quantitatifs ou qualitatifs pour chaque compte, il devra savoir expliciter ses attentes. Symétriquement, les interlocuteurs pourront faire part des éventuelles difficultés rencontrées, qui enrichiront le dialogue du commercial avec ses contreparties.

Le commercial sera en quelque sorte « mini KAM » pour  chacun de ses clients avec une visibilité et un certain accès aux interlocuteurs qui les concernent.

 

  • Il faudra enfin – pour que ces intentions ne restent pas lettre morte – mettre en cohérence les systèmes de pilotage. Si la seule logique de réduction des coûts ou de maximisation des volumes traités guide l’évaluation des fonctions aval, il est assez naturel que leur contribution au commerce soit faible, et qu’ils soient réticents à s’investir dans la veille concurrentielle ou la détection de leads… Au contraire si cette contribution est valorisée dans le système de pilotage et d’évaluation, le commercial trouvera naturellement un relais.

Signalons au passage que l’intégration d’une dimension commerciale dans les fonctions ADV ou SAV (par exemple) est aussi une forme de reconnaissance pour eux et d’enrichissement de leurs fonctions : on peut s’attendre à un effet positif sur leur implication.

 

La digitalisation rend cette logique incontournable

 

Les considérations évoquées ci-dessus sont applicables à la « vieille économie » qui régit encore largement l’univers B to B mais elles seront plus nécessaires encore au fur et à mesure que les ruptures technologiques et organisationnelles qu’impose le monde digital vont se généraliser. Quelques illustrations (liste non exhaustive) permettent de le comprendre.

 

Ainsi, les organisations en réseau, où les « silos » organisationnels disparaissent aux dépens de modes de fonctionnement agiles, peu hiérarchiques et « ad hoc » (par client, par projet, par sujet…) sont en quelque sorte l’aboutissement des logiques évoquées ci-dessus. En particulier auprès de clients eux-mêmes engagés dans cette évolution, des réponses du type « je dois en référer à mes collègues de tel département » seront de moins en moins acceptables. Et si une commande rentre suite à un coup de fil concernant une demande de documentation c’est toujours une commande qui rentre !

 

De même, le rôle déterminant de la qualité des données va renforcer le besoin d’une « chaîne » sans faille dans le traitement d’un client. La promesse (non tenue !) des CRM sera rattrapée par les besoins opérationnels. Dans ce cadre le commercial qui a « tout dans la tête » ou le logisticien qui néglige de tracer une livraison « pour aller plus vite » s’excluent eux-mêmes de la nouvelle économie. L’entreprise « data centric » comprend la valeur des informations client pour des raisons opérationnelles bien sûr (traçabilité, facturation…) mais saura aussi en tirer les bénéfices commerciaux.

 

Le marketing individualisé (qu’il soit inbound ou de fidélisation) est là encore un domaine où le commercial devra s’appuyer sur la richesse des données client pour faire des offres toujours plus personnalisées, devançant les besoins plutôt que d’y répondre. Par exemple, l’analyse fine des données de saisonnalité pourra aider à définir des quantités optimales, des tailles de lots adaptées etc… Un géomarketing sur la base des implantations pourra permettre de pousser des offres adaptées aux besoins des différentes unités, etc… Le « data scientist » est l’allié du commercial de la prochaine décennie.

 

Enfin, l’interpénétration des systèmes d’information permettra de fluidifier définitivement les relations (et d’ériger de puissantes barrières à l’entrée pour la concurrence). Lointain descendant des flux « EDI » le dialogue « M to M » permettra directement à la cuve de signaler qu’elle est vide, au camion d’indiquer qu’il est plein, ou au moteur d’indiquer qu’une maintenance préventive s’impose… les fournisseurs qui sauront tirer parti de ces possibilités ont un avantage concurrentiel certain.

 

En guise de conclusion

 

Chaque secteur et chaque marché aura bien sûr ses spécificités et l’enjeu n’est pas aussi important partout, mais il sera presque toujours possible de tirer un réel bénéfice commercial d’une plus grande attention apportée aux acteurs des fonctions aval. Bien souvent cela suppose déjà un changement d’attitude : un peu de considération et savoir remercier est un bon début ! Ensuite, il ne faut pas hésiter à demander : les fonctions aval n’ont parfois tout simplement pas idée de ce que commercial cherche à savoir ou à comprendre… Enfin, il faut savoir aussi rendre service : les fonctions aval ont aussi des attentes et bien souvent le commercial peut grandement leur faciliter la vie en les prenant en compte (si 90% des commandes sont « urgentes » comment s’organiser ?).

 

Des implications organisationnelles bien plus structurantes sont envisageables et souvent nécessaires, mais le premier pas relève de l’état d’esprit. La fonction commerciale doit mobiliser mêmes qualités d’écoute et d’empathie avec ses relais internes qu’avec ses clients… Il y va de son propre intérêt.